Qu’est-ce que la compression du nerf ulnaire au coude?
Le nerf ulnaire (également appelé nerf cubital) fournit la sensibilité à la 4e et 5e doigts.
Il innerve aussi les muscles de la main qui permettent d’écarter et de rapprocher les doigts et qui permettent de serrer entre le pouce et l’index.
La compression du nerf ulnaire est généralement située au niveau du coude. Beaucoup de causes potentielles de compression sont connues et concernent les tendons, les ligaments, les os ou les vaisseaux.
Quel est la cause de la défaillance du nerf ulnaire?
La souffrance du nerf ulnaire résulte d’une combinaison de compression, d’étirement et de frottement. Anatomiquement, le nerf passe à l’arrière du coude, entouré de structures osseuses et ligamentaires qui forment un véritable tunnel pour son passage. Normalement, le nerf glisse librement dans le canal.
La compression peut être provoquée par l’épicondyle médial ou des arcades fibreuses.
L’étirement est aggravé en cas d’adhérences ou de fibrose qui gênent le glissement du nerf.
Le frottement est particulièrement aggravé lors des activités répétitives ou lorsque le nerf se luxe en avant.
Qui est touché par cette compression?
La compression du nerf ulnaire au coude est fréquente dans la population générale. C’est la compression nerveuse la plus fréquente après le canal carpien. Elle touche 21 /100000 personnes par an.
Parfois, une cause peut être identifiée comme une fracture du coude dans l’enfance, l’arthrose du coude.
Certaines maladies peuvent augmenter la sensibilité du nerf à la compression, comme le diabète, l’hémophylie, la lèpre, l’insuffisance rénale, etc..
Une appui prolongé sur le coude lors d’un coma prolongé ou d’une anesthésie générale ou le port d’un coussin d’abduction après chirurgie de l’épaule peuvent être responsables de la compression.
Certains gestes répétitifs professionnels ou certains sports tels que le golf ou le baseball peuvent être des facteurs favorisants.
Quels sont les symptômes de compression du nerf cubital?
La compression du nerf ulnaire au coude entraîne des douleurs, des engourdissements et des picotements de l’annulaire et surtout de l’auriculaire.
Ces symptômes peuvent se produire pendant la journée ou pendant la nuit et sont souvent augmentés par la flexion du coude.
Dans les cas graves, l’annulaire et l’auriculaire peuvent développer une déformation en “griffe” et une perte progressive de sensibilité.
Avec le temps les déficits deviennent irréversibles même après décompression chirurgicale.
Quels examens faut-il pratiquer?
– La radiographie du coude n’est pas systématique.
Le nerf n’est pas visible sur les radiographies mais elles peuvent détecter une compression d’origine osseuse secondaire à un traumatisme ou à de l’arthrose.
– L’électromyogramme (EMG) mesure la capacité du nerf ulnaire à transmettre des signaux électriques pour la fonction sensorielle ou motrice.
L’EMG peut confirmer la souffrance du nerf, localiser le site exact de la compression et déceler une anomalie sur les autres nerfs du bras.
L’EMG n’est pas dangereux, mais il est parfois un peu désagréable et n’est pas fiable à 100%. L’EMG peut être normal même en cas de compression sévère [Tapadia 2010].
Traitement
Lorsque la compression du nerf ulnaire est récente ou peu prononcée, les symptômes peuvent disparaître avec des mesures simples:
– Une attelle empêchant le flexion du coude au-delà de 90°, portée par intermittence et la nuit a prouvé une certaine efficacité [Apfel 2006]
– Eviter l’appui prolongé ou les chocs sur la face interne du coude
– Arrêter les exercices de renforcement du muscle triceps
– Des exercices de glissement du nerf ont été recommandés par certains sans aucune preuve d’efficacité jusqu’à présent.
Si ces mesures ne suffisent pas, ou s’il s’agit d’une forme sévère avec perte de sensibilité ou de force, la chirurgie s’avère nécessaire. Le but de la chirurgie est de libérer la compression du nerf.
Traitement chirurgical
Trois techniques différentes sont utilisées :
– La libération simple consiste à simplement ouvrir les tendons et ligaments qui recouvrent le nerf ulnaire à la face interne du coude. Le trajet du nerf n’est pas modifié. Cette intervention peut être réalisée à ciel ouvert pour par voie endoscopique. Les suites opératoires sont habituellement très simples.
Cette technique n’est pas toujours applicable
Elle donne souvent des très bons résultats mais il semble qu’il y ait plus de récidives 2 ans qu’avec les techniques d’épicondylectomie partielle ou de transposition [Boone 2015].
– L’épicondylectomie médiale partielle consiste à amincir le relief osseux (appelé épicondyle médial) qui appuie sur le nerf à la face interne du coude en flexion. Cette technique permet de faire plus de place autour du nerf que la libération simple tout en préservant les plans de glissement naturel et la vascularisation du nerf.
Son efficacité a été démontrée dans plusieurs études [Dubert 2004, Boone 2015].
Son principal inconvénient est d’entraîner des douleurs cicatricielles plus durables qu’après libération simple.
– La transposition antérieure du nerf ulnaire consiste à modifier le trajet du nerf en le faisant passer en avant de l’axe de flexion du coude. C’est l’intervention la plus logique pour supprimer complètement la compression osseuse contre l’épicondyle médial.
Toutefois, le fait de sortir le nerf de son environnement naturel entraîne des adhérences et une dévascularisation qui peuvent entraîner des symptômes difficiles à traiter.
Une revue de la littérature n’a pas pu établir de preuve solide qu’une technique est meilleure qu’une autre [Caliandro 2012].
En cas de récidive de compression du nerf ulnaire au coude
En cas de récidive des symptômes après une première intervention, une réintervention chirurgicale est parfois discutée . C’est particulièrement le cas s’il y a des raisons de penser que la première intervention a été incomplète.
Il faut savoir que cette deuxième intervention sera plus délicate que la première car on retrouve toujours plus ou moins d’adhérences et de fibrose autour du nerf.
Il faut aussi savoir que même si cette deuxième intervention apporte une amélioration dans 79% des cas, le résultat est souvent incomplet [Aleem 2014].
Recommandations basées sur mon expérience:
Il est important de voir le nerf sur une longueur suffisante pour ne pas manquer un site de compression.
Il est important de préserver la vascularisation et les tissus de glissement autour du nerf.
La libération simple doit être réservée aux formes bénignes et il existe un risque de récidive.
L’épicondylectomie médiale a ma préférence dans la plupart des cas.
Je réserve la transposition à certains particuliers.
Après la chirurgie
L’intervention est généralement possible en ambulatoire.
Une attelle postopératoire pendant 3 semaines n’est nécessaire qu’après transposition.
Dans tous les autres cas la mobilisation précoce du coude, de l’épaule et de la main est recommandée. L’écharpe postopératoire doit être abandonnée deux à trois jours après l’intervention.
Vous verrez votre chirurgien entre une à trois semaines après la chirurgie.
En cas de travail manuel, l’arrêt de travail varie de quelques jours à 3 mois.
La rééducation est rarement utile.
Les symptômes disparaissent progressivement en quelques semaines ou quelques mois.
Le pronostic de la récupération nerveuse est basé sur la gravité de la compression initiale, de sa durée et la capacité de régénération du nerf. L’âge est un facteur clé dans la régénération nerveuse.
En résumé
La compression du nerf ulnaire entraîne des engourdissements dans l’annulaire et l’auriculaire et une perte de la force de serrage entre le pouce et l’index.
Lorsque la compression est modérée, ces symptômes peuvent disparaître en portant une attelle et de petites modifications du mode de vie.
Si les symptômes sont sévères ou persistent, la chirurgie entraîne un soulagement définitif dans la plupart des cas.
Avant l’intervention, vous recevrez un document de consentement éclairé. Nous vous expliquerons aussi objectivement et aussi complètement que possible les principes de ces interventions pour adapter l’indication à vos objectifs.
Vous serez également informé(e) sur les symptômes à surveiller après la chirurgie pour dépister et traiter les complications éventuelles.
Les complications ne laissent généralement pas d’invalidité si elle sont traitées à temps.
Références:
Tapadia, M., Mozaffar, T., and Gupta, R. Compressive neuropathies of the upper extremity: update on pathophysiology, classification, and electrodiagnostic findings. J Hand Surg Am. 2010; 35: 668–677
Boone S, Gelberman RH, Calfee RP. The management of cubital tunnel syndrome Journal of Hand Surgery, 2015, p1897–1904
Popa M, Dubert T. Treatment of cubital tunnel syndrome by frontal partial medial epicondylectomy. A retrospective series of 55 cases. J Hand Surg Br. 2004 Dec;29(6):563-7
Caliandro, P., La Torre, G., Padua, R., Giannini, F., and Padua, L. Treatment for ulnar neuropathy at the elbow. Cochrane Database Syst Rev. 2012; 7: Cd006839
Aleem, A.W., Krogue, J.D., and Calfee, R.P. Outcomes of revision surgery for cubital tunnel syndrome. J Hand Surg Am. 2014; 39: 2141–2149
Dernière mise à jour le 11 octobre 2015