Infiltration du canal carpien

L’infiltration du canal carpien est presque toujours efficace pendant 2 à 3 mois. Il faut utiliser le bon produit et piquer au bon endroit.

J’ai développé et publié une technique d’infiltration qui permet d’éviter le risque de toucher le nerf avec l’aiguille tout en injectant le produit à l’intérieur du canal carpien et sans douleur [Dubert 2005]. J’utilise toujours cette technique de 12 ans.

Pourquoi  faire une infiltration du canal carpien?

L’infiltration est utilisée pour soulager les fourmillements douloureux dus à un syndrome du canal carpien.

Elle est réservée aux cas où l’atteinte n’est pas encore trop sévère.  Si l’atteinte est trop sévère avec menace de perte de sensibilité des doigts,  il est conseillé de pratiquer directement l’intervention chirurgicale.

L’infiltration peut aussi  être  utile  pour confirmer le diagnostic en cas de doute. La disparition des fourmillements douloureux  après l’infiltration est un bon argument pour confirmer le diagnostic.

Quel produit utiliser pour infiltrer le canal carpien?

Les produits injectés sont toujours des dérivés de la cortisone et sont  appelés glucocorticoïdes.

L’Altim qui était utilisé autrefois n’est plus fabriqué.

Les produits utilisés actuellement sont :

  • Bétaméthasone : Diprostène®

    La quantité de cortisone est 1/4 plus faible qu’une dose d’Altim.

    L’intérêt du Diprostène® est de contenir  deux formes de Cortisone  dans le même produit : l’une à action rapide, et l’autre à action plus longue de plus d’un mois.

  • Prednisolone acétate : Hydrocortancyl®

Le produit doit être conservé à l’abri de la lumière, à une température inférieure à 30°C et doit être agité avant emploi.

Il agit vite mais sa durée d’action moyenne est seulement de 7 jours.

  • D’autres produits doivent être évités dans le canal carpien

Parcequ’ils ont un fort pouvoir atrophiant et peuvent être à l’origine de ruptures tendineuses, d’atrophies cutanées ou de nécroses de la graisse sous-cutanée, ces produits sont réservés aux injections profondes intra articulaires:

  • Celestène Chronodose®
  • Hexatrione®
  • Betnesol®
  •         Kenacort Retard®

Où piquer pour infiltrer le canal carpien?

Le produit doit être injecté dans le canal carpien pour faire dégonfler les enveloppes autour des tendons qui compriment le nerf médian.

L’aiguille doit donc rentrer dans le canal carpien sans toucher les artères ni le nerf médian.

Le schema ci-dessous montre que le trajet le plus sûr est de passer à travers le tendon du fléchisseur radial du carpe (FCR). C’est facile car il n’y a rien à mesurer et ce gros tendon est toujours présent. Avec une simple aiguille, il n’y a aucun risque à traverser ce tendon.

A partir de ce point, l’aiguille doit viser la tête du quatrième métacarpien. Ainsi la pointe de l’aiguille se trouve au fond du canal carpien, passant très loin du nerf médian sur toute sa longueur.

L’étoile noire montre le point de ponction pour réaliser une infiltration à l’intérieur du canal carpien sans risque de léser le nerf médian ni les artères.

 

La flèche rouge représente l’aiguille. Le produit est injecté dans le canal carpien derrière les tendons fléchisseurs, sans risque de toucher le nerf ou les artères.

 

L’infiltration du canal carpien est-elle douloureuse?

Cette technique est pratiquement indolore et ne justifie pas l’utilisation d’une anesthésie locale. Il n’y a aucun risque de toucher le nerf médian si les conditions ci-dessus sont respectées.

Des douleurs  peuvent survenir pendant les 2 ou 3 jours après l’infiltrations et les patients doivent être prévenus. Ces douleurs sont liées à l’irritation par les cristaux de corticoïdes. La prise d’antalgiques est parfois justifiée.

Quels sont les risques d’une infiltration du canal carpien?

Le principal risque est de piquer à travers le nerf. Ces lésions ont été rapportées dans des publications [McConnell and Bush,1990,Frederick et al.,1992  ; Tavares and Giddins,1996]. Elles sont assez fréquentes mais rarement publiées.  Ces blessures du nerf médian sont extrêmement douloureuses sur le coup et peuvent entraîner une perte de sensibilité des doigts temporaire ou même permanente.

C’est pour prévenir ces accidents que j’ai décrit cette technique. Mes recommandations résultent de mesures anatomiques de la position exacte du nerf médian sur une série de 124 poignets.

Les autres risques sont tout à fait exceptionnels:

– Le risque d’infection est estimé à moins d’une pour 71.000 infiltrations.

L’infection se traduirait par un gonflement très douloureux et chaud, parfois avec de la fièvre dans les jours suivants. Il faudrait dans ce cas prévenir aussitôt votre praticien qui mettrait en route le traitement approprié.

– Des rougeurs du visage survenant par bouffées avec une sensation de chaleur peuvent survenir sans aucune gravité.

– Comme pour toute injection, une allergie, un malaise ou même un choc allergique sont toujours possibles, mais ils sont très rares avec ce type de produits.

Quels sont les effets secondaires d’une infiltration du canal carpien?

Les effets secondaires connus des traitements corticoïdes par voie générale ne se produisent jamais avec les infiltrations (à moins de dépasser de très loin les quantités habituelles) : troubles endocriniens, troubles digestifs, déminéralisation du squelette, troubles cutanés, oculaires…n’ont jamais été observés à la suite d’une utilisation normale des infiltrations.

Que faut il déclarer à votre médecin avant une infiltration du canal carpien?

– si vous êtes diabétique : certains produits d’infiltrations peuvent modifier l’équilibre de votre traitement, ce qui nécessite une surveillance plus attentive pendant quelques jours.

– si vous suivez un traitement pour une hypertension artérielle ou une maladie cardio-vasculaire.

– si vous suivez un traitement anticoagulant ou fluidifiant du sang.

– si vous avez actuellement une maladie infectieuse ou si vous avez une fièvre ou une infection cutanée.

– si vous êtes allergique ou sujet aux malaises.

– si vous souffrez ou avez souffert d’un ulcère gastrique ou duodénal.

– si vous êtes enceinte ou si vous allaitez.

Toutes ces situations ne sont pas des contre-indications formelles à l’infiltration, mais il faut en tenir compte pour juger de l’opportunité de réaliser l’injection, de la nécessité de prendre des précautions supplémentaires ou d’effectuer une surveillance plus particulière.

Combien peut-on faire d’infiltrations?

On conseille généralement de ne pas faire plus de 3 infiltrations.

En fait, tout dépend du contexte:

Si une première infiltration  bien réalisée n’a apporté aucune amélioration,  il n’est sans doute pas justifié d’en faire d’autres.

Au contraire, si une première infiltration à apporté un soulagement complet  pendant plusieurs mois ou plusieurs années,  et en l’absence de signes de gravité, il est logique de proposer de renouveler les infiltrations avec plusieurs mois ou plusieurs années d’intervalle.

 

Références

  • Racasan O,Dubert T. The safest location for steroid injection in the treatment of carpal tunnel syndrome. J Hand Surg Br. 2005 Aug;30(4):412-4
  • Dubert T, Racasan O. A reliable technique for avoiding the median nerve during carpal tunnel injections. Joint Bone Spine. 2006 Jan;73(1):77-9
  • McConnell JR,Bush DC . Intraneural steroid injection as a complication in the management of carpal tunnel syndrome. Clinical Orthopedics,1990; 250: 181–184.
  • Frederick HA,Carter PR,Littler JW (1992). Injection to the median and ulnar nerves at the wrist. The Journal of Hand Surgery,17A: 645–647.
  • Tavares SP,Giddins GEB (1996). Nerve injury following steroid injection for carpal tunnel syndrome. The Journal of Hand Surgery,21B (2): 208–209.